Sophie-Luce Morin

Écrivaine

Comme une rivière qui jaillit entre les pierres

30 Sep 2025 | Art, Écriture, La beauté, Peinture

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Je n’avais aucune idée de ce qui émerg­erait de cette créa­tion lorsque j’ai com­mencé à en trac­er les con­tours. J’ai sim­ple­ment lais­sé les couleurs sur­gir, se ren­con­tr­er, se con­tredire par­fois, et le mou­ve­ment s’est dévelop­pé naturelle­ment. Le cuiv­re, l’ocre et l’orangé ont pris racine, éten­dant leur force comme une terre brûlante. Puis le turquoise est apparu, vibrant et inat­ten­du. On aurait dit une source d’eau fraîche au milieu des flammes ou un ruis­seau se fau­fi­lant entre les pier­res.

Je ne savais pas à quoi cela ressem­blerait, et c’est ce qui me plaît : l’inconnu qui se des­sine sous mes mains. Dans mes romans, je cherche à établir un ordre et une cohérence. Je tra­vaille tou­jours avec un plan. Ici, je me laisse aller à l’exploration sans carte ni bous­sole, m’abandonnant à la force créa­trice elle-même.

Ces déli­cates lignes blanch­es ont émergé, sem­blables à des filets de lumière. Chaque rain­ure sem­ble trac­er un sen­tier mys­térieux qui mène à ce qui pal­pite en nous. Nous por­tons, nous aus­si, nos pro­pres lignes. Nous sommes faits de strates et de mémoires, de blessures et de joies infinies. Ce qui nous com­pose s’inscrit autant dans la mémoire que sur le corps. Comme des rides, des cica­tri­ces, ou de fines mar­ques presque invis­i­bles, chaque expéri­ence dépose son empreinte.

Pein­dre de cette manière, c’est accepter de ne pas savoir. C’est avancer à tâtons jusqu’à ce qu’un pas­sage s’illumine. L’abstrait m’offre cette lib­erté qu’aucun plan n’autorise : décou­vrir, au détour d’un geste, une beauté qui me dépasse et me révèle. J’aime me laiss­er éton­ner par ce qui voulait naître, et l’accueillir comme une révéla­tion. Dans ce jail­lisse­ment imprévu, je retrou­ve la joie sim­ple de créer, libre et vivante.

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