Sophie-Luce Morin

Écrivaine

Troquer des orchidées pour des violettes

23 Avr 2025 | Écriture

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Le désa­van­tage de vivre entourée d’arbres — et peut-être le seul, finale­ment — c’est que la canopée empêche la lumière du soleil de pénétr­er à l’intérieur des murs de ma mai­son, mal­gré la fen­es­tra­tion abon­dante.

Ce manque de lumière affecte mes plantes, surtout les orchidées. Elles ont com­mencé à flétrir, une à une, avant de cess­er de fleurir. Il m’en reste encore trois, qui ren­dront éventuelle­ment l’âme.

Il m’a fal­lu du temps pour accepter qu’à l’intérieur de mes murs, ces fleurs ne se plaisent pas. Alors, je me suis dotée de néons. Et j’ai tro­qué mes orchidées pour des vio­lettes africaines, qui, elles, vivent bien sous cette lumière arti­fi­cielle.

J’ai tou­jours eu l’impression qu’écrire, comme jar­diner, rejoue les renon­ce­ments et les ajuste­ments que la vie impose. Ce sont deux manières de tra­vers­er l’existence, avec ses pertes, ses tâton­nements, ses décou­vertes, ses renais­sances.

Écrire, comme jar­diner, nous apprend à com­pos­er avec la lumière qu’on a, avec la sai­son qui nous habite, avec celle qui vient de s’achever… ou avec celle dont on rêve encore. Il faut chercher l’heure douce, l’espace fécond, et accueil­lir les mots comme ils vien­nent, au moment où ils arrivent, dans l’ordre qu’ils choi­sis­sent de le faire.

Créer, c’est observ­er, ajuster, accueil­lir. C’est ouvrir son cœur et se laiss­er porter par la beauté du monde qui nous est offerte. Créer, c’est pren­dre. C’est don­ner, et aban­don­ner. C’est com­pos­er avec ce que l’on n’attendait pas ou plus.

Écrire ou jar­diner, c’est tro­quer des orchidées pour des vio­lettes, des phras­es pour d’autres, et décou­vrir que la beauté renaît autrement, chaque fois.

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