Sophie-Luce Morin

Écrivaine

L’apaisement dans l’ordinaire du jour

17 Oct 2025 | Bonheur, Jardin, La beauté, Nature, Réflexion

Partagez

Nous vivons à un rythme qui laisse peu de place à la lenteur, et pour­tant, il existe une forme de bon­heur qui ne peut advenir que par notre atten­tion au moment présent. Un bon­heur que rien ne peut acheter : la con­tem­pla­tion, qui nous invite à regarder autrement, à nous arrêter ou sim­ple­ment à remar­quer ce qui nous entoure. Appren­dre à con­tem­pler, c’est appren­dre à trou­ver l’apaisement dans l’ordinaire du jour.

J’ai pris cette pho­to hier, à l’heure où la lumière s’attarde tou­jours un peu avant de s’éteindre. Un bout de ciel rose flot­tait au-dessus de la cime des arbres, et le feuil­lage sem­blait s’embraser, comme si la forêt nous salu­ait une dernière fois avant de s’endormir. C’est sans doute l’une des plus belles pho­tos que j’aie pris­es cette année. Elle me rap­pelle que la beauté se trou­ve sou­vent juste là, sous nos yeux.

Le temps de l’enfance

D’aussi loin que mes sou­venirs me ramè­nent, j’ai tou­jours aimé con­tem­pler. J’avais qua­tre ans, et je pre­nais un plaisir fou à regarder les paque­bots fil­er sur le fleuve, assise sur les berges. C’était peut-être plus facile, alors, de s’adonner à la con­tem­pla­tion. Il nous fal­lait, en tant qu’enfants, meubler le temps, inven­ter des jeux pour chas­s­er l’ennui. Il n’y avait pas d’Internet, pas d’iPhone, pas de tablettes, et nous ne croulions pas sous les jou­ets ni sous les activ­ités récréa­tives.

Le bonheur d’un regard attentif

Je crois qu’il est impor­tant d’être un con­tem­platif ou, du moins, de cul­tiv­er cette dis­po­si­tion intérieure. Parce que la con­tem­pla­tion pro­cure un plaisir immense : elle est gra­tu­ite et à la portée de tous. Mal­heureuse­ment, elle devient trop rare dans nos vies accélérées.

La con­tem­pla­tion nous tire douce­ment de la morosité, nous apaise, nous rend plus atten­tifs, plus présents, et peut-être même plus heureux. Con­tem­pler, ce n’est pas fuir le réel. C’est l’accueillir tel qu’il est, mais en y cher­chant la lumière plutôt que la las­si­tude.

La beauté existe, tout près, à portée d’un regard.

Pour toutes ces raisons – et sûre­ment bien d’autres – je crois qu’il serait tout aus­si essen­tiel, en tant qu’adultes, de trans­met­tre cette qual­ité à nos enfants. On doit leur appren­dre à s’émerveiller, à regarder le monde sans hâte, à voir au lieu de sim­ple­ment pass­er.

Contempler sans s’arrêter

Et il n’est pas néces­saire de s’arrêter pour con­tem­pler. On peut appren­dre à le faire à chaque minute de nos vies. Marcher, cuisin­er, atten­dre au feu rouge, jar­diner, lire : toutes ces activ­ités ordi­naires ouvrent la porte au plaisir de la con­tem­pla­tion. C’est une atten­tion qui se cul­tive, un état d’esprit qui devient peu à peu une habi­tude, jusqu’à se refléter dans notre atti­tude et dans nos gestes.

Con­tem­pler, c’est dire oui au monde, même quand il nous sem­ble inhos­pi­tal­ier.

Et même au milieu des ruines, il y a tou­jours de quoi s’émerveiller : un pis­senlit qui pousse dans une craque de trot­toir, un oiseau per­ché sur un fil élec­trique, la couleur d’un car­ré de pelouse après la pluie, ou le rire d’un incon­nu. Tout cela existe, là, en même temps que nous. Il suf­fit de ralen­tir un peu, de laiss­er notre regard s’attarder pour qu’il retrou­ve le chemin de l’émerveillement.

Habiter le présent

Appren­dre à con­tem­pler, c’est aus­si appren­dre à habiter le présent. À ne plus courir après ce qui manque, mais à recon­naître ce qui est. C’est une forme de grat­i­tude, une manière de dire mer­ci sans les mots. Et aus­si une façon de recon­naître que tout n’est pas per­du, quand notre vie sem­ble tomber en ruines. De nous rap­pel­er que, quoi qu’il arrive, il y aura tou­jours un peu de lumière quelque part : il suf­fit de la laiss­er venir à nous.

Depuis mon jardin, quand le jour s’éteint et que la mon­tagne se teinte de rose, je me sou­viens que la beauté ne dis­paraît jamais vrai­ment : elle change sim­ple­ment de vis­age. Et chaque soir, elle revient, fidèle et tou­jours dif­férente, pour qui sait la regarder.

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *