Nous vivons à un rythme qui laisse peu de place à la lenteur, et pourtant, il existe une forme de bonheur qui ne peut advenir que par notre attention au moment présent. Un bonheur que rien ne peut acheter : la contemplation, qui nous invite à regarder autrement, à nous arrêter ou simplement à remarquer ce qui nous entoure. Apprendre à contempler, c’est apprendre à trouver l’apaisement dans l’ordinaire du jour.
J’ai pris cette photo hier, à l’heure où la lumière s’attarde toujours un peu avant de s’éteindre. Un bout de ciel rose flottait au-dessus de la cime des arbres, et le feuillage semblait s’embraser, comme si la forêt nous saluait une dernière fois avant de s’endormir. C’est sans doute l’une des plus belles photos que j’aie prises cette année. Elle me rappelle que la beauté se trouve souvent juste là, sous nos yeux.
Le temps de l’enfance
D’aussi loin que mes souvenirs me ramènent, j’ai toujours aimé contempler. J’avais quatre ans, et je prenais un plaisir fou à regarder les paquebots filer sur le fleuve, assise sur les berges. C’était peut-être plus facile, alors, de s’adonner à la contemplation. Il nous fallait, en tant qu’enfants, meubler le temps, inventer des jeux pour chasser l’ennui. Il n’y avait pas d’Internet, pas d’iPhone, pas de tablettes, et nous ne croulions pas sous les jouets ni sous les activités récréatives.
Le bonheur d’un regard attentif
Je crois qu’il est important d’être un contemplatif ou, du moins, de cultiver cette disposition intérieure. Parce que la contemplation procure un plaisir immense : elle est gratuite et à la portée de tous. Malheureusement, elle devient trop rare dans nos vies accélérées.
La contemplation nous tire doucement de la morosité, nous apaise, nous rend plus attentifs, plus présents, et peut-être même plus heureux. Contempler, ce n’est pas fuir le réel. C’est l’accueillir tel qu’il est, mais en y cherchant la lumière plutôt que la lassitude.
La beauté existe, tout près, à portée d’un regard.
Pour toutes ces raisons – et sûrement bien d’autres – je crois qu’il serait tout aussi essentiel, en tant qu’adultes, de transmettre cette qualité à nos enfants. On doit leur apprendre à s’émerveiller, à regarder le monde sans hâte, à voir au lieu de simplement passer.
Contempler sans s’arrêter
Et il n’est pas nécessaire de s’arrêter pour contempler. On peut apprendre à le faire à chaque minute de nos vies. Marcher, cuisiner, attendre au feu rouge, jardiner, lire : toutes ces activités ordinaires ouvrent la porte au plaisir de la contemplation. C’est une attention qui se cultive, un état d’esprit qui devient peu à peu une habitude, jusqu’à se refléter dans notre attitude et dans nos gestes.
Contempler, c’est dire oui au monde, même quand il nous semble inhospitalier.
Et même au milieu des ruines, il y a toujours de quoi s’émerveiller : un pissenlit qui pousse dans une craque de trottoir, un oiseau perché sur un fil électrique, la couleur d’un carré de pelouse après la pluie, ou le rire d’un inconnu. Tout cela existe, là, en même temps que nous. Il suffit de ralentir un peu, de laisser notre regard s’attarder pour qu’il retrouve le chemin de l’émerveillement.
Habiter le présent
Apprendre à contempler, c’est aussi apprendre à habiter le présent. À ne plus courir après ce qui manque, mais à reconnaître ce qui est. C’est une forme de gratitude, une manière de dire merci sans les mots. Et aussi une façon de reconnaître que tout n’est pas perdu, quand notre vie semble tomber en ruines. De nous rappeler que, quoi qu’il arrive, il y aura toujours un peu de lumière quelque part : il suffit de la laisser venir à nous.
Depuis mon jardin, quand le jour s’éteint et que la montagne se teinte de rose, je me souviens que la beauté ne disparaît jamais vraiment : elle change simplement de visage. Et chaque soir, elle revient, fidèle et toujours différente, pour qui sait la regarder.

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