Hier, dans mon jardin, j’ai observé un bourdon lové au cœur d’une fleur de tricyrtis. Il n’était pas tout à fait immobile, mais ses gestes étaient lents, hésitants, comme s’il peinait à se dégager de la corolle. Son corps frémissait à peine sous la lumière dorée. J’ai eu l’impression qu’il s’y faisait un lit, conscient peut-être que la saison touchait à sa fin.
Il y avait dans cette scène quelque chose de très touchant, un mélange de douceur et de tristesse. Le bourdon ne luttait plus. Il s’enfonçait doucement dans la fleur mouchetée, comme pour s’y dissoudre, en laissant derrière lui ce qui lui restait d’énergie et de chaleur. Autour de lui, le jardin bruissait encore. Les feuilles craquaient sous le vent, la lumière dansait sur les tiges, indifférente et bienveillante tout à la fois.
Je sais que c’est ainsi que se referme leur cycle. Quand l’automne s’installe, les ouvrières s’éteignent une à une. Seules les jeunes reines fécondées survivent, enfouies sous la terre, en attente du printemps. Mais devant cette petite vie qui se faisait un lit dans le cœur d’une fleur pour son dernier repos, je n’ai pas pensé au cycle, ni à la biologie. J’ai pensé à la douceur de partir ainsi : dans une corolle tiède et pleine de nectar, à l’abri du vent. Et je l’ai remercié, silencieusement, pour tous les services rendus. Que serions-nous sans les butineurs ?

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