Sophie-Luce Morin

Écrivaine

Tout recommence, même ce qui s’éteint

12 Oct 2025 | Jardins, Nature

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Hier, dans mon jardin, j’ai observé un bour­don lové au cœur d’une fleur de tri­cyr­tis. Il n’était pas tout à fait immo­bile, mais ses gestes étaient lents, hési­tants, comme s’il peinait à se dégager de la corolle. Son corps frémis­sait à peine sous la lumière dorée. J’ai eu l’impression qu’il s’y fai­sait un lit, con­scient peut-être que la sai­son touchait à sa fin.

Il y avait dans cette scène quelque chose de très touchant, un mélange de douceur et de tristesse. Le bour­don ne lut­tait plus. Il s’enfonçait douce­ment dans la fleur mouchetée, comme pour s’y dis­soudre, en lais­sant der­rière lui ce qui lui restait d’énergie et de chaleur. Autour de lui, le jardin bruis­sait encore. Les feuilles craquaient sous le vent, la lumière dan­sait sur les tiges, indif­férente et bien­veil­lante tout à la fois.

Je sais que c’est ain­si que se referme leur cycle. Quand l’automne s’installe, les ouvrières s’éteignent une à une. Seules les jeunes reines fécondées sur­vivent, enfouies sous la terre, en attente du print­emps. Mais devant cette petite vie qui se fai­sait un lit dans le cœur d’une fleur pour son dernier repos, je n’ai pas pen­sé au cycle, ni à la biolo­gie. J’ai pen­sé à la douceur de par­tir ain­si : dans une corolle tiède et pleine de nec­tar, à l’abri du vent. Et je l’ai remer­cié, silen­cieuse­ment, pour tous les ser­vices ren­dus. Que seri­ons-nous sans les butineurs ?

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